Avis 20226411 Séance du 24/11/2022
La commission relève, à titre liminaire, que la présente demande s’inscrit dans le cadre d’une série de demandes portant sur des documents de même nature et ayant le même objet, adressées par le même demandeur à cent-une directions départementales de la protection des populations (DDPP) ou directions départementales de l’emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations (DDETSPP). En application de l’article 8 quater C de son règlement intérieur, il y a donc lieu d’appliquer au cas d’espèce les principes de communication communs aux documents demandés dégagés par la commission dans son avis de partie II n° 20226401 inscrit à la même séance.
Maître X, pour le compte de X, a ainsi saisi la Commission d'accès aux documents administratifs à la suite du refus opposé par cent-une directions départementales de la protection des populations (DDPP) ou directions départementales de l’emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations (DDETSPP) à sa demande de communication, sous forme dématérialisée (Excel ou pdf), des éléments suivants :
I) la liste des refuges et des fourrières du département, indiquant :
1) le numéro SIRET ;
2) la raison sociale ;
3) l'adresse postale complète (adresse, code postal, ville) ;
4) les coordonnées téléphoniques et courriel.
II) les données brutes des registres entrées/sorties des refuges et des fourrières du département, pour les années 2018 à 2021, indiquant :
1) la date et la raison de l’entrée de l’animal ;
2) le numéro d’identification de l’animal ;
3) la provenance, l’espèce et le sexe de l’animal ;
4) la description et la date de naissance de l’animal ;
5) l’identification pour chaque naissance ;
6) la date de sortie, la destination de sortie de l’animal avec les coordonnées complètes si la destination est un refuge ou une entreprise ;
7) la date de la mort et la cause de la mort, le cas échéant.
III) dans le cadre du plan de relance 2020/2021 et 2021/2022 « Mesure 4B : soutien aux projets locaux portés par les associations de protection animale » :
1) les dossiers complets de subvention et les pièces annexes, adressés par les toutes les associations de protection animale ayant fait une demande subvention et ayant, ou non obtenu cette subvention ;
2) la liste des structures subventionnées dans le cadre de ce programme indiquant :
a) le numéro SIRET ;
b) la raison sociale ;
c) l'adresse complète ;
d) les coordonnées téléphoniques et courriel ;
e) le montant de la subvention accordée et la destination de ces fonds ;
3) les éléments suivants relatifs au comité de sélection constitué en 2021/2022 :
a) la composition du comité (identités et fonctions occupées) ;
b) les rapports ou tout support ayant permis d’accepter ou de refuser la subvention.
En premier lieu, la commission rappelle qu’une demande de communication de documents administratifs qui lui est adressée est déclarée sans objet lorsque l'autorité saisie communique spontanément le document demandé postérieurement à l’enregistrement de la demande ou lorsqu'il résulte des indications fournies par cette autorité que le document demandé n'a jamais existé, a été détruit ou a été égaré.
Elle précise également, à toutes fins utiles, que le refus de communication n’est pas établi et la demande d’avis est déclarée irrecevable, lorsque l’administration saisie d’une demande de communication, communique spontanément dans les délais qui lui sont impartis le document demandé au demandeur.
En second lieu, s’agissant du point I) de la demande portant sur la liste des refuges et des fourrières du département, la commission rappelle que le livre III du code des relations entre le public et l'administration ne fait pas obligation aux autorités administratives de répondre aux demandes de renseignements qui leur sont adressées, ni d'élaborer un document nouveau en vue de procurer les renseignements ou l'information souhaités (CE, 30 janvier 1995, Ministre d'État, Ministre de l’éducation nationale, n° 128797 ; CE, 22 mai 1995, Association de défense des animaux victimes d'ignominie ou de désaffection, n° 152393).
En revanche, la commission considère de manière constante que sont des documents administratifs existants au sens de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration, ceux qui sont susceptibles d’être obtenus par un traitement automatisé d’usage courant. Il résulte en effet de la décision du Conseil d’État du 13 novembre 2020, n° 432832, publié aux Tables, que constituent des documents administratifs au sens de ces dispositions les documents qui peuvent être établis par extraction des bases de données dont l’administration dispose, si cela ne fait pas peser sur elle une charge de travail déraisonnable, laquelle doit être interprétée de façon objective.
La commission précise, à ce titre, que les informations demandées doivent pouvoir être obtenues par un traitement automatisé de données, sans retraitements successifs, en particulier par des interventions manuelles. Elle estime également que, lorsque les informations sollicitées doivent, pour être extraites d'un fichier informatique, faire l'objet de requêtes informatiques complexes ou d'une succession de requêtes particulières qui diffèrent de l'usage courant pour lequel le fichier informatique dans lequel elles sont contenues a été créé, l'ensemble des informations sollicitées ne peut alors être regardé comme constituant un document administratif existant (avis n° 20222817, 20222850 et 20222936 du 23 juin 2022). Une demande portant sur la communication d'un tel ensemble d'informations doit dès lors être regardée comme tendant à la constitution d'un nouveau document (conseil n° 20133264 du 10 octobre 2013) et, par suite, être déclarée irrecevable.
En réponse à la demande d’observations qui leur a été adressées, plusieurs DDPP et DDETSPP ont informé la commission que, d’une part, bien que les établissements exerçant l'activité de fourrières ou refuges aient l'obligation de se déclarer auprès des préfectures, les services du ministère de l'agriculture ne délivrent pas d'agrément et n'assurent donc pas un suivi régulier de ces établissements. Ainsi, si les DDPP et les DDETSPP sont chargées de vérifier l'application des dispositions législatives et réglementaires dont relèvent les refuges et fourrières, elles ne constituent pas pour autant, ni ne tiennent à jour, la liste de ces établissements.
D’autre part, l’administration indique que les déclarations des refuges et fourrières sont traitées dans une base de donnée métier nommée « Resytal », dont la mise en œuvre, assurée par la direction générale de l’alimentation du ministère de l'agriculture et de l'alimentation, est encadrée par un arrêté du 18 avril 2016. Or, cet arrêté dispose dans son article 3 que « Toute autre personne physique ou morale ne peut être destinataire que de données anonymes dans les conditions fixées par convention préalable avec le directeur général de l’alimentation ». En l'absence de convention avec la DGAL, les données ne peuvent donc pas être transmises au demandeur.
La commission en prend note mais estime que, nonobstant l'absence d'obligation pour l'administration de tenir une telle liste, si elle existe en l'état ou peut être établie au moyen d'un traitement automatisé d'usage courant, il s'agit d'un document administratif communicable à toute personne qui en fait la demande, en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration. Elle précise néanmoins que l’administration n’est tenue de communiquer que les données dont elle dispose, quand bien même celles-ci ne seraient pas exhaustives, dès lors qu’elles ne revêtent pas pour autant un caractère inachevé.
Elle émet donc un avis favorable au point I) de la demande, sous réserve que le document sollicité existe en l'état ou soit susceptible d'être obtenu par un traitement automatisé d'usage courant.
Elle rappelle, en outre, qu'en application du sixième alinéa de l'article L311-2 du code des relations entre le public et l'administration, il appartient à l'administration qui est saisie d'une demande de document qu'elle n'a pas en sa possession de transmettre la demande à l'autorité administrative susceptible de le détenir et d'en avertir l'intéressé. En l'espèce, il appartient aux DDPP et DDESTPP de transmettre la demande de communication, accompagnée du présent avis, à l’autorité administrative susceptible de le détenir, en l’espèce la direction générale de l’alimentation du ministère de l'agriculture et de l'alimentation, et d’en aviser le demandeur.
En troisième lieu, s’agissant du point II) de la demande, la commission rappelle que l’article R214-30-3 du code rural et de la pêche maritime dispose que : « La personne responsable d'une des activités définies aux articles L. 214-6-1 à L. 214-7 doit tenir à jour et être en mesure de présenter à toute réquisition des services de contrôle :
1° Un registre d'entrée et de sortie des animaux, dûment renseigné, qui comporte le nom et l'adresse des propriétaires ;
2° Un registre de suivi sanitaire et de santé des animaux qui comporte notamment des informations sur les animaux malades ou blessés, les comptes rendus des visites, et les indications et les propositions du vétérinaire sanitaire en charge du règlement sanitaire ».
La commission rappelle également que, aux termes de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration, « Sont considérés comme documents administratifs, au sens des titres Ier, III et IV du présent livre, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission ».
En réponse à la demande d’observations qui leur a été adressées, les DDPP et DDETSPPP ont informé la commission que, conformément aux dispositions de l’article R214-30-3 précité, il n’est pas demandé aux gestionnaires des refuges ou fourrières une transmission de ces documents, évolutifs et parfois importants. Ainsi, si ces directions, lors de leurs inspections, contrôlent la bonne tenue des registres, y relèvent les éventuelles incohérences et y donnent les suites qui s'imposent, elles n’en font en revanche aucunement copie et ne sont par conséquent pas détentrices des registres des entrées et des sorties des refuges et des fourrières du département, et encore moins des données brutes qu’ils contiennent.
Au vu de ces éléments, la commission ne peut que déclarer sans objet le point II) de la demande d’avis et inviter le demandeur à saisir directement les établissements concernés.
En quatrième lieu, s’agissant du point III) de la demande relatif aux subventions versées aux projets locaux portés par les associations de protection animale dans le cadre du plan de relance 2020/2021 et 2021/2022, la commission rappelle qu'il résulte de l'article 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 que le budget et les comptes de tout organisme de droit privé ayant reçu une subvention, la convention conclue (de façon obligatoire lorsque la subvention dépasse 23 000 euros), ainsi que le compte rendu financier de la subvention doivent être communiqués à toute personne qui en fait la demande par l'autorité administrative ayant attribué la subvention ou par les autorités administratives qui détiennent ces documents, dans les conditions prévues par le livre III du code des relations entre le public et l'administration.
La commission considère que, dans le cas d’aides versées pour l’exercice d’une activité économique ou culturelle, le nom des bénéficiaires de ces aides, qu'il s'agisse de personnes physiques ou de personnes morales, n’est pas couvert par le secret de la vie privée ni par le secret des affaires. Il en va de même du montant de l’aide perçue, sous réserve que la révélation de ce montant ne permette pas d’en déduire une information couverte par le secret des affaires telle que le montant du chiffre d’affaires ou celui d’un investissement. Elle estime également que les coordonnées du bénéficiaire d’une subvention (adresse, courriel, ou numéro de téléphone) ne sont pas couvertes par le secret de la vie privée dès lors qu’elles sont distinctes des coordonnées personnelles des membres de l’association ou de l’entrepreneur.
La commission émet, par suite, un avis favorable à la communication des documents visés au point III) de la demande, sous réserve de l’occultation des éventuelles mentions couvertes par le secret des affaires ou le secret de la vie privée, et à condition que ces documents n’aient pas fait l’objet d’une diffusion publique au sens de l’article L311-2 du code des relations entre le public et l’administration.